Antoine des Gommiers de Lyonel Trouillot

Antoine des Gommiers (2021) de Lyonel Trouillot…

Le résumé de l’éditeur: De ces deux frères, Franky et Ti Tony, l’un est attaché aux mots et aux figures de style quand l’autre, pragmatique, se fie à la magouille pour les faire vivre dans ce corridor des quartiers pauvres et souvent violents de Port-au-Prince. Et le fait que leur mère leur dise depuis toujours qu’ils sont les descendants d’Antoine des Gommiers, ce devin magnifié par des générations d’Haïtiens, n’adoucit pas leur misère mais pourrait peut-être en modifier les contours et les lointains. Car c’est de cela qu’il s’agit, de cette parentèle qui ne change rien pour l’un et tout pour l’autre ; de la vie de ces deux garçons, de l’amour qu’ils portent à leur mère, de leur regard sur ses vœux et ses tourments.
La réalité de leur existence, c’est Ti Tony qui la décrit. Franky, lui, préfère reconstituer le passé. Aux Gommiers il est allé un jour sur les traces de l’ancêtre supposé pour se documenter, et depuis il écrit ou revisite la vie de cet Antoine extraordinaire, cet homme en son cœur aussi salvateur qu’une ample métaphore.
Mais quelle est l’essence des récits d’une vie quand elle n’a pas d’avenir ? Avec quelle arme ou quelle faiblesse se construit-on une intériorité, dans les corridors comme ailleurs ? Et quelle est la couleur de la beauté, celle de l’amour, si ce n’est celle que les conteurs et autres rêveurs portent à l’infini ?

Au sein de la Librairie Actes Sud, on me vante la plume de Lyonel Trouillot, notamment avec sa dernière production, Antoine des Gommiers. J’avouais ma méconnaissance de l’existence de cet auteur. Je corrige ça rapidement. Faut dire que la couverture me plaît beaucoup.

Je ne serais pas aussi dithyrambique que certains lecteurs mais j’ai bien aimé cette histoire. J’ai entendu parler de réalisme magique mais je ne suis pas sûr que ce soit le terme approprié. La légende de l’ancêtre Antoine des Gommiers tient de la légende, avec son corollaire d’exagération et d’idéalisation mais là n’est pas le coeur du roman. Quoi que. Pourquoi ne pas appliquer à nos vies les enchantements qu’on donne au passé? je pose la question.

Ce qui est bien vrai, c’est que Lyonel Trouillot nous fait naviguer dans son histoire d’une façon qui semble anarchique mais qui pourtant ne nous laisse jamais sur le bord du chemin. Touchant et fluide, l’auteur nous mène où il veut. Son style, entre faits et idées, réflexions s’équilibrent parfaitement.

Je dois dire que j’aime ces ambiances d’une autre époque, celles des gamins de quartier qui jouaient dans les rues resserrées, de la promiscuité qu’impose la pauvreté, aussi bien dans la maison qu’avec le voisinage. C’est dans cet Haïti que nous plonge Lyonel Trouillot, un Haïti dangereux où certaines personnes deviennent des figures de quartier, bienveillantes ou malfaisantes. Qui influent sur les vies des autres. Un directeur d’école comme un caïd. Les légendes de chacun, personnelles, des « petits », des miséreux qui, je trouve, sont aussi fortes que les légendes de tous.

C’est donc une bonne découverte pour moi. Je n’hésiterais pas à retourner vers Lyonel Trouillot, pour un nouveau roman, un nouveau voyage vers Haïti.




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