Carmilla (1872) de Joseph Sheridan Le Fanu, traduction de Gaïd Girard…
Le résumé de l’éditeur: « Deux grands yeux s’approchèrent de mon visage et soudain, je ressentis une douleur fulgurante, comme si deux grandes aiguilles espacées de quelques pouces seulement s’enfonçaient profondément dans ma poitrine. Je me réveillai en hurlant. La chambre était éclairée par la chandelle qui était restée allumée toute la nuit, et je vis une silhouette féminine au pied de mon lit, un peu sur la droite. »
L’action se passe dans un château de Styrie. L’héroïne, la jeune Laura, tombe sous le charme de la belle et mystérieuse Carmilla, dont l’arrivée énigmatique dans ce lieu isolé marque l’initiale d’une amitié tendre et exaltée.
Je découvre avec une forme de surprise qu’il y a avait une tradition du roman vampirique au-delà de Bram Stoker (toujours pas lu). Carmilla de Joseph Sheridan Le Fanu en fait partie, 20 ans avant le mythique Dracula.
Alors forcement, à notre époque, le thème du vampire a tellement été essoré que la lecture ne doit pas avoir le même effet que pour un lecteur contemporain de Joseph Sheridan Le Fanu. Et le premier constat, c’est que le genre n’a guère évolué depuis.
J’ai bien aimé la 1re partie, classique dans le genre, une montée en tension de l’intrigue maitrisée. L’angoisse grandit sans que le lecteur parvienne à définir réellement les menaces. Je me demande si le lecteur de l’époque savait qu’il s’agissait de vampire.
On peut ajouter que l’acte vampirique dans Carmilla se teinte de sensualité. Et le fait que ce soit entre 2 femmes ajoute une forme d’irrévérence à l’époque très censurée de Joseph Sheridan Le Fanu. Le fait qu’il est échappé à cela est du à son style nuancé, évocateur, suggestif qui ne dit jamais vraiment le fond de ce qui est.
En revanche, la structure du roman se développe avec une longue seconde partie qui amène le dénouement mais reprend des faits déjà lu et connu dans la 1re partie. Une très grosse répétition qui aurait pu être synthétiser et plus efficace. Cela m’a un peu gâché la fin de Carmilla.
Un grand classique du Fantastique.
J’ai cru comprendre ça oui. 25 ans avant Bram Stoker !
Je l’ai sous cette forme: https://images.noosfere.org/couv/m/marabout0620-1978.jpg
Une de ses bonnes vieilles éditions. La mienne est un jolie Babel avec une illustration de couverture très séduisante. C’est ce qui a attiré mon regard, je dois l’avouer. la tienne ne m’aura peut-être pas attiré de la même façon.
Je l’ai aussi dans cette version ci-jointe, encore plus datée, celle d’un magazine mensuel maintenant disparu (si ce n’est ponctuellement et épisodiquement en parutions nouvelles). Ce N° 83 date d’octobre 1960 sous illustration de Jean-Claude Forrest le papa de Barbarella. La trad de Carmilla est d’Alain Dorémieux (çà, c’est en principe un gage de qualité)
https://images.noosfere.org/couv/f/fiction083-1960.jpg
L’illustration est superbe. Tu as toute la série de ce magasine ou juste quelques numéros, ici et là?
Il y eut plus de 400 n° de ce magazine. Je ne les ai pas tous, loin s’en faut. Mais Fiction eut un poids certain dans l’évolution de la SF en France. C’était un format poche, assez cher. Rayon illustrations on y retrouve des pointures comme celles de Druillet, Forrest, Caza, Siudmak, Brantome … rayon romans: des titres souvent coupés en deux de quelques chef d’oeuvres du genre … mais c’est avant tout une banque colossale de nouvelles de SFFF qui est sans équivalent en France ;;; des critiques à foison sur 50 à 60 ans de l’édition en France. Il y eut des relances dont une actuellement en cours.
Ouch, 400. c’est bien qu’il y ait encore des gens pour sortir des numéros et d’autres pour les acheter. J’imagine bien la quantité de pépites et de textes rares de la SF.
J’ai lu Dracula (non sans plaisir, via principalement sa forme épistolaire). Pas Le Fanu (hélas, mais çà viendra). Le Vampire appartient de fond à l’Histoire de l’Europe de l’est et de prime abord littéraire au fantastique classique du XIXème, Oui, il n’a que peu évolué depuis sinon en se frottant à des genres annexes plus récents qui lui ont apporté une certaine modernité. Mélanie Fazzi, une auteure française fantastique d’un énorme talent s’est essayé, le plus souvent via des nouvelles, à enrober les grands thèmes du Fantastique classique d’un background moderne. Deux de ses recueils sont, en ce sens, exceptionnels; ce sont « Serpentine » et « Notre Dame aux écailles ».Ce serait bien le diable si elle ne s’était pas attaqué à Dracul & Cie. Franchement, çà vaut le détour. Tu peux t’y essayer sans grands risques de déception.
Je n’ai jamais entendu parler de cette autrice. Je vais aller voir ça. Ensuite, pour le renouvellement du genre, je pense à Rice et Meyer mais il doit y en avoir une flopée. Quand je pense à l’ambiguïté homosexuelle de Carmilla, je ne peux m’empêcher de penser à celle de Lestat (Anne Rice). Je suis en train de me dire que, peut-être, le propos de Sheridan Le Fanu n’était pas tant de suggérer l’homosexualité que de rapprocher l’acte vampirique de sucer le sang comme un acte sexuel plutôt que d’un simple acte fonctionnel d’absorption de nourriture.
En fait Dracula est presque une synthèse ou un aboutissement du mythe du vampire qui irrigue toute la littérature dès la fin du XVIIIe.
Carmilla est donc « dans l’air du temps » (de son temps bien sûr), sans surprise pour nous mais un régal à lire quand même 🙂
Oui, j’ai pris du plaisir à cette lecture My. N’as-tu pas ressenti la 2e partie trop longue, quand l’ami du père arrive et qu’il raconte exactement ce qu’on vient de lire en 1re partie?
Je crois qu’il va falloir que je m’attaque à Bram Stoker, un des plus anciens romans dans ma PAL.
J’en ai une version illustrée avec nouvelle traduction qui était sortie pour les 200 ans de l’oeuvre. J’avais beaucoup aimé car même si je n’ai pas été surprise, j’ai retrouvé les codes du roman gothique qui me plaisent. Et je trouvais que le texte n’avait pas tant vieilli que ça.
Le style de l’auteur est très fin dans sa narration. Et comme toi, je ne le trouve pas du tout vieilli d’autant que les codes du genre ont tellement peu évolué. Le personnage de Carmilla fait très moderne.
A y’est. Tenté, je l’ai lu, apprécié et chroniqué. Dans une version revue/magazine d’antan (Fiction n°83 octobre 1960), traduction Alain Dorémieux, apparemment abrégée pour laisser place à d’autres nouvelles d’autres auteurs. Je ne regrette pas. J’y ai retrouvé les bases du Dracula à venir. Le versant saphique (très soft) est une curiosité bien menée, il se confond avec un romantisme d’époque. La prose est aisée. Le bouquin vaut le détour. Vraiment.
J’ai lu ta chronique, et c’est l’envie de comparer avec son illustre successeur que tu m’as fait naitre.